Les rois rendent volontiers, depuis quelque temps, visite aux Parisiens. Ils ne s'y sont pas décidés du premier coup. Paris républicain leur faisait un peu peur. ?Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille...? Et puis, petit à petit, le ?bloc? leur sembla très inoffensif. Ils se rassurèrent. Une fois rassurés, ils furent séduits. Aujourd'hui, c'est mieux encore; ce bloc, irrésistiblement, les attire. Ce n'est plus par politesse qu'ils consentent à nous venir voir: ils en éprouvent, dirait-on, le besoin. Ils avouent même --et rien ne saurait flatter davantage l'amour-propre des Parisiens--que leur grande joie serait de venir souvent chez eux, et sans être acclamés; d'y passer inaper?us; de jouir de Paris librement, à la fa?on du premier badaud venu; de pouvoir s'y rencontrer--comme, il y a dix jours, aux; Capucines, Edouard VII et Léopold II --sans que la foule y fit attention. Le soir où le roi d'Angleterre vint applaudir, aux Capucines, Mme Jeanne Granier, la petite salle était très joliment fleurie; des drapeaux anglais pendaient au-dessus de la porte; on avait cru devoir ainsi marquer d'un peu de solennité l'honneur de cette visite. On e?t augmenté le plaisir du roi en ne lui infligeant l'hommage ni de ces fleurs ni de ces drapeaux. Le saluer, c'était le reconna?tre. Et je sens quelle exquise volupté ce doit être, pour un homme condamné à ne jamais échapper une minute au supplice de la vénération publique, que de pouvoir penser de temps en temps: ?On ne me reconna?t pas!?展开